Un Meeting Bashkirtseff Marie

Un meeting

Dimensions

H. : 195 cm ; L. : 177 cm

Provenance

Technique

Peinture

Matériaux

Huile sur toile

Datation

1884

Lieu de conservation

France, Paris, musée d’Orsay

Pourquoi la peintre Marie Bashkirtseff n’a-t-elle pas reçu de médaille au Salon officiel pour son tableau ?

En 1884, Marie Bashkirtseff expose Le Meeting image principale au Salon de la Société des artistes français, où le tableau reçoit un bon accueil, sans pour autant permettre à l’artiste de recevoir la médaille qu’elle espérait.

Une scène urbaine

Cette réunion d’enfants a probablement été observée à Paris, dans ces nombreux quartiers en chantier liés à l’haussmannisation de la capitale. La palissade et l’état de la chaussée en témoignent. Il s’agit peut-être du quartier de la place Wagram, où Marie habite un hôtel particulier.

Les plus jeunes des six garçons portent des blouses pour l’école. Dans les années 1880, les lois Ferry organisent l’instruction publique laïque, gratuite et obligatoire jusqu’aux 13 ans de l’enfant. Les enfants forment un cercle autour d’un objet difficilement identifiable que tient le plus âgé du groupe. Une fillette de dos s’éloigne à droite, visiblement exclue de cette assemblée. Les tabliers d’écolier que portent les enfants ne dissimulent pas totalement leurs vêtements et leurs chaussures usés. Ils sont de milieu modeste. L’artiste les peint dans leur authenticité. « Je les ai choisis expressifs », dit-elle, et elle ajoute : « Dans les enfants bien élevés, il y a déjà de la pose. » Les gestes, les attitudes, les regards confèrent à la scène une tension que viennent accentuer la lumière froide et la dominante grise du tableau.

Dans le journal de l’artiste, nous apprenons son admiration pour le sculpteur René de Saint Marceaux. Son Arlequin image 1 conservé au musée des Beaux-Arts de Reims a pu inspirer l’attitude vigoureuse du personnage du premier plan du Meeting.

L’absence de sentimentalisme donne à cette scène un caractère d’illustration et de documentaire visuel d’un réalisme radical et novateur. L’artiste pousse le goût du détail vrai, dans ce tableau, en nous montrant le lacet que tient dans la bouche le garçon qui nous fait face, et avec le motif du jeu du pendu tracé sur la palissade à gauche détail b détail c.

Une formation discriminante

En 1881, Marie Bashkirtseff publie un discours intitulé « Les femmes artistes » dans La Citoyenne, en faveur de l’accès des femmes à l’École des beaux-arts à Paris. Cela n’arrivera qu’en 1897, et encore : uniquement pour suivre les cours théoriques. C’est à l’Académie privée ouverte par le peintre Julian que cette jeune aristocrate russe apprend le métier d’artiste et suit les conseils du peintre académique Tony Robert-Fleury.

C’est surtout l’influence de son contemporain Jules Bastien-Lepage, qu’elle considère comme son maître, qui marquera son travail. Elle partage son goût des scènes réalistes d’ouvriers et de paysans image 2 et admire son talent pour traduire les personnages avec une précision photographique. Les visages détail b et les mains des enfants du Meeting suivent son exemple et sont traités avec une précision très réaliste, sans coups de pinceau.

Le décor de chantier avec ses palissades et la boue sont en revanche peints avec des éclats de matière picturale et des tons clairs.

Le style du mouvement naturaliste, qui se déploie dans les années 1880, intègre les nouveautés des impressionnistes dans l’environnement des figures : couleurs claires et coups de pinceau ; compositions par plans et non en perspective. Marie aime la liberté de la matière picturale puisée chez les peintres modernes, mais l’a observée aussi dans les toiles de Vélasquez image 3 en Espagne.

Marie Bashkirtseff, jeune peintre de 25 ans en 1884, fait une constatation amère dans son journal intime, commencé à l’âge de 12 ans : « Le monde de la création appartient aux hommes. Les femmes n’y sont tolérées que dans la mesure où elles jouent le rôle qu’on attend d’elles, femmes trop jolies pour être des artistes à part entière, femmes qui faute d’être des muses ne peuvent être que la pâle copie d’un maître… »

Le Meeting image principale est son tableau le plus célèbre. On l’admire et on reproduit l’œuvre à l’époque, pourtant on doute que l’artiste soit une femme ou qu’elle ait réalisé seule ce tableau si réussi. Cette méconnaissance humiliante pour la jeune femme l’anéantit.

Une peinture inspirée d’un courant littéraire

Très cultivée, Marie parle cinq langues et elle est une grande lectrice de littérature naturaliste, de Zola, de Daudet, de Maupassant mais aussi de Balzac et de Flaubert. Ses auteurs l’inspirent dans sa recherche d’une peinture vraie et objective. Son maître, Jules Bastien-Lepage, est un représentant majeur du naturalisme en peinture. Cette esthétique, issue du naturalisme littéraire de Zola, combine précision du dessin et regard porté sur la société moderne en ville et à la campagne. Ce naturel, l’artiste le trouve dans des modèles atypiques tels que les forçats du bagne de Grenade, ou dans le quartier des gitans de la même ville, ou encore à l’asile des enfants de Paris.

Elle affirme : « Je ne veux pas que ce soit de la peinture, je veux que ce soit de la peau et que ça vive ! » Le Meeting est une scène de la vraie vie qui réunit des enfants autour d’un chef de bande plus grand qu’eux. Marie traite pourtant ce petit événement avec le même sérieux qu’un sujet de la peinture d’histoire dans un grand format. Cinq mois après la présentation du Meeting, Marie Bashkirtseff meurt à 26 ans de la tuberculose, stoppée net sur le chemin d’une carrière artistique qui aurait pu s’épanouir sans la discrimination de son époque. Elle est enterrée au cimetière de Passy, à Paris. Sa chapelle funéraire est l’œuvre d’Émile Bastien-Lepage, le frère du peintre.

Le tableau est acquis par l’État l’année suivant sa mort, en 1885.

Mots-clés

Véronique Zeller

Permalien : https://panoramadelart.com/analyse/un-meeting

Publié le 03/05/2024

Ressources

Notice et commentaire de l'oeuvre sur le site web du musée d'Orsay

https://www.musee-orsay.fr/fr/oeuvres/un-meeting-54

Journal de Marie Bashkirtseff, Gallica, BNF

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k113055v/f4.planchecontact

Marie Bashkirtseff sur le site de l’association AWARE

https://awarewomenartists.com/artiste/marie-bashkirtseff/

Une étude du "Meeting" sur le site web de l'Histoire par l'image

https://histoire-image.org/etudes/regard-enfance

Un modèle de l'Instruction républicaine - L'Histoire par l'image

https://histoire-image.org/etudes/modele-instruction-republicaine

Glossaire

Naturalisme : Mouvement d’abord littéraire puis artistique, qui se développe dans les années 1880. Les peintres représentent, dans de grandes toiles, des personnages en taille réelle dans leurs activités quotidiennes. Paysans et ouvriers, ces héros de tous les jours et de la vie moderne, sont peints avec une précision photographique et saisis dans l’instant. Les décors montrent au contraire des effets de coups de pinceau et une palette claire. Ce mouvement influence également la sculpture.