Statère de Vercingétorix

Statère de Vercingétorix

Les visiteurs du Salon admirant la statue de Vercingétorix

Auteur

Dimensions

D. 1,8 cm

Provenance

Pionsat, Puy-de-Dôme

Technique

Orfèvrerie

Matériaux

Or (métal)

Datation

Ier siècle av. J.-C.

Lieu de conservation

France, Saint-Germain-en-Laye, musée d'Archéologie nationale

Est-ce vraiment l’image du chef gaulois ?

En Occident, les premières pièces métalliques apparaissent dans les cités grecques d'Asie Mineure au VIIe siècle av. J.-C. Ces monnaies étaient en électrum, alliage naturel d'or et d'argent dont le fleuve Pactole charriait des pépites. C'est le roi lydien Crésus qui instaure ensuite un système monétaire fait de pièces d'or et de pièces d'argent de poids différents.

L'introduction du monnayage en Gaule

Les monnaies métalliques sont très vite adoptées dans les villes du pourtour méditerranéen, souvent à partir des colonies grecques qui y sont implantées. Marseille semble ainsi être le point de départ de cet usage parmi les divers peuples de la Gaule à partir du VIe siècle av. J.-C.

Lorsque les Gaulois commencent à frapper leurs propres monnaies au cours du IIIe siècle av. J.-C., ils imitent naturellement les monnaies grecques, entre autres les statères d'or de Philippe II de Macédoine [ image 1 ] rapportés par les mercenaires gaulois qui l'ont servi à la fin du IVe siècle av. J.-C. Très rapidement, ils s'éloignent de ces modèles et ornent les pièces de figures stylisées et allégoriques proprement celtiques.

Vers la fin du IIe siècle av. J.-C., les monnaies gauloises s'alignent progressivement sur le denier romain pour permettre des échanges plus lointains. Cela témoigne de l'intégration des peuples gaulois à la sphère économique et culturelle de Rome, qui domine désormais la Méditerranée.

Une célèbre monnaie gauloise

Trouvé en 1852 à Pionsat dans le Puy-de-Dôme, pays des Arvernes, ce statère d'or [ image principale ] est sans doute la plus connue des pièces de monnaie gauloises. Il a le poids et la taille des statères de Philippe de Macédoine : un peu plus de 7 grammes et 18 mm de diamètre. Sur l'avers figure un portrait masculin qui rappelle les profils royaux de Philippe. Les traits sont réguliers, le nez très droit, le visage imberbe, la tête nue, les cheveux courts et bouclés. Les deux mèches qui pointent sur sa nuque se retrouvent sur la plupart de ses monnaies. Sur le revers [ détail b ], un petit étalon gaulois surmonté d'un croissant de lune semble sauter un obstacle, identifié comme la partie supérieure d'une amphore. Les bords de la monnaie étaient soulignés d'une ligne de petits points nommés grènetis, un décor que les faces de cette pièce n'ont reçu qu'en partie.

Le statère porte une inscription en lettres latines qui, suite au mauvais centrage du coin lors de la frappe, se limite à « NGETORIXS ». Le musée des Antiquités nationales conserve également une pièce identique en bronze qui porte encore le début de cette inscription : « VERCI », ce qui forme « VERCINGETORIXS » [ détail c ] .

Qui était Vercingétorix ?

Un des rares Gaulois dont le nom ait été conservé, Vercingétorix, n'est connu que par des textes romains. Le plus important, La Guerre des Gaules (Commentarii de bello gallico) de César, est un compte-rendu destiné au Sénat pour justifier cette campagne militaire qui a eu lieu de 58 à 52 avant J.-C. En langue gauloise, Vercingetorix signifie « le très grand roi des guerriers ». César le dit fils d'un très haut magistrat arverne exécuté pour avoir voulu prendre le pouvoir et le décrit comme un terrible chef de guerre, âgé de moins de trente ans. D'autres textes antiques laissent entendre qu'il aurait été un proche de César et officier dans l'armée romaine. Dans ce cas, il aurait donc trahi sa confiance lorsqu'il unifia les armées gauloises contre lui. César résume la défaite d'Alésia en – 52 par une formule restée célèbre : Vercingetorix deditur, arma proiciuntur, « Vercingétorix est remis, les armes sont jetées ». Prisonnier à Rome jusqu'en – 46, il est finalement exécuté à l'issue du triomphe de César.

Un portrait ?

Il reste bien peu de traces matérielles de Vercingétorix, et aucune sculpture antique le figurant n'a encore été découverte. Moins de trente monnaies à son nom sont aujourd'hui connues, et toutes ont été frappées lors de la guerre des Gaules, peut-être en urgence à Alésia pour payer des mercenaires risquant de changer de camp. Elles constituent donc un témoignage exceptionnel. Cependant il est peu probable que cette effigie, plus conventionnelle que réaliste, le représente. Les spécialistes pensent aujourd'hui qu'il s'agirait plutôt de la représentation d'un dieu, peut-être Apollon, comme sur les monnaies grecques dont s'inspire ce statère.

Une réputation justifiée ?

C'est principalement Napoléon III qui, au XIXe siècle, a remis Vercingétorix à l'honneur. Pour écrire une Histoire de Jules César, l'empereur fait effectuer des recherches et des fouilles archéologiques. En cherchant César, on retrouve les Gaulois : le site d'Alésia est fouillé à partir de 1862, année de fondation du musée des Antiquités nationales de Saint-Germain-en-Laye. Faute de représentations antiques, le XIXe siècle invente alors des images fortes, donne un visage au chef gaulois et vante ses hauts faits, lui conférant peut-être plus d'importance qu'il n'en a eu dans la réalité [ image 2 ] .

Même si une élite maîtrise l'écriture, utilisant tour à tour l'alphabet grec ou latin, les Gaulois n'ont pas écrit leur histoire. Avec La Guerre des Gaules ne nous est parvenu que le point de vue des Romains, partial, et ainsi a commencé la fausse réputation des « sauvages » Gaulois qui a perduré pendant vingt siècles. Tout en célébrant la bravoure de Vercingétorix, les Français ont longtemps été convaincus que la « civilisation » était un apport des Romains. De même, n'ayant laissé aucun grand monument, l'art gaulois a longtemps été ignoré. Depuis une trentaine d'années, les découvertes archéologiques révèlent une culture différente de celle des Grecs et des Romains, mais tout aussi riche et complexe, loin de la légende.

Sandrine Bernardeau

Permalien : https://panoramadelart.com/analyse/statere-de-vercingetorix

Publié le 22/09/2022

Ressources

La statue de Vercingétorix, commandée par Napoléon III et réalisée en 1865 par Aimé Millet, au MuséoParc d’Alésia

http://www.alesia.com/visiter/la-statue-de-vercingetorix_fr_000088.html

Un statère de Vercingétorix dans le médaillier gaulois d’Alfred Danicourt à Péronne

http://www.culture.gouv.fr/documentation/joconde/fr/decouvrir/expositions/peronne_gaule/peronne_gaule_vercin.htm

Une conférence filmée au Collège de France : « Vercingétorix » par Christian Goudineau

https://www.college-de-france.fr/site/christian-goudineau/_audiovideos.htm

Vercingétorix et Alésia à Saint-Germain-en-Laye

https://musee-archeologienationale.fr/objet/vercingetorix-et-alesia

Glossaire

Coin : Élément métallique dont l’extrémité est gravée d’un motif, en creux, utilisé pour frapper les monnaies et médailles.   

Philippe II de Macédoine : Philippe II, roi de Macédoine (359-336 av. J.-C.), a initié l’expansion de son royaume qui sera poursuivie par son fils Alexandre le Grand. Son règne voit se développer l’hégémonie macédonienne sur une partie du monde grec. Découverte intacte à Vergina en 1977, sa sépulture contenait encore un très riche mobilier funéraire dont de grandes pièces d’orfèvrerie.