Composition en rouge, jaune et bleu Mondrian Piet

Composition en rouge, jaune et bleu

Auteur

Dimensions

H. : 40 cm ; L. : 50,5 cm

Provenance

Technique

Peinture

Matériaux

Datation

1922

Lieu de conservation

France, Aix-en-Provence, musée Granet

Comment ce tableau abstrait constitue-t-il une image du monde ?

Le peintre Piet Mondrian, né aux Pays-Bas, a créé un style de peinture abstrait et géométrique, qu'il a baptisé le néoplasticisme en 1920. Son activité artistique a surtout pris son essor à Paris entre 1919 et 1938 et s'inscrit dans le cadre plus large de la révolution plastique de l'abstraction, apparue en Europe en 1912 et s'attachant à révéler l'image d'un monde sans objet. Composition en rouge, jaune et bleu [ image principale ], dont le titre énonce littéralement ce qu'est le tableau, invite à explorer l'univers de Mondrian dont la construction progressive se fait en plusieurs étapes.

Réalité et abstraction

À ses débuts, Mondrian peint des paysages marqués par le symbolisme, inspirés par son pays, avec des moulins, des couchers de soleil et des bords de mer [ image 1 ]. Dès 1912, sous l'influence successive de Cézanne et des cubistes Braque et Picasso, il commence à fragmenter les formes, à entrecroiser les lignes et à peindre dans un camaïeu de gris et de beige. La représentation du réel se simplifie au point qu'en 1913, Apollinaire souligne que cet artiste fait un « cubisme très abstrait ». Peu à peu, le motif de la grille apparaît pour devenir le fondement de presque toutes ses œuvres, et les couleurs se réduisent aux trois primaires, comme dans la Composition en rouge, jaune et bleu, peinte en 1922. Le peintre définit alors sa peinture comme « une réalité abstraite ».

Construire un monde nouveau par le plan

En 1917, Piet Mondrian et Theo Van Doesburg créent la revue De Stijl (« Le Style »), dont le nom désigne aussi un groupe formé autour d'eux et un mouvement artistique. Tous deux développent la théorie d'une esthétique nouvelle pour un monde nouveau, qui doit toucher tous les arts. La chaise de Rietveld [ image 2 ] et L'Aubette, une salle de spectacle à Strasbourg, créée en 1928 par Van Doesburg, Taueber Arp et Arp, en fournissent de fameuses applications. Les plans unis apparaissent dans l'œuvre de Mondrian au contact d'un peintre du groupe, Van der Leck [ image 3 ], et lui permettent d'affirmer la planéité du tableau. La représentation du monde visible laisse place alors à une image universelle et essentielle du monde. Selon l'artiste, c'est ainsi que la peinture atteint la beauté et l'harmonie.

Exprimer le repos

L'espace de la toile est segmenté par les verticales et les horizontales noires sur fond blanc pour produire un effet de stabilité et d'équilibre. Mondrian écrit à leur propos : « La luminosité du ciel prononce la verticale, l'horizon masqué prononce l'horizontale. » Il bannit les lignes diagonales, car elles génèrent le mouvement et l'instabilité : « La position oblique est exclue, […] le grand repos serait rompu », dit-il. Chaque élément qui compose le tableau est déterminé par son contraire pour exprimer ce repos : les couleurs sont opposées aux non-couleurs ; le noir contraste avec le blanc ; les lignes verticales croisent les horizontales ; la ligne noire est opposée au plan coloré, et la petite dimension à la grande. Chaque œuvre est un monde stabilisé, mais les variations sont infinies. Dans le tableau du musée Granet, on remarque que les couleurs ont tendance à être cantonnées vers l'extérieur, notamment le rouge et le bleu, jusqu'à les faire presque disparaître.

La couleur, source de vitalité et de spiritualité

Mondrian a décrit le plaisir que lui procure la couleur : « La couleur en elle-même comporte déjà une grande jouissance pour moi. Un jaune tout seul, un simple bleu, déploient pour moi tout un monde de beauté. […] C'est entendu, la couleur en tant que telle vivifie tout, et il est possible, par la pure vision de la couleur, d'être porté à la plus grande élévation, oui, à la contemplation de l'Universel. » Cet enthousiasme ne semble pourtant pas s'exprimer directement dans Composition en rouge, jaune et bleu, dont l'aspect reste austère. L'attrait de l'artiste pour la couleur est à rapprocher du symbolisme et de la théosophie, qui ont façonné sa pensée et sa spiritualité lorsqu'il était jeune homme. Si dans le tableau le vert est absent, c'est que cette couleur exprime pour lui le chaos dans la nature. En revanche, le bleu y évoque le ciel immatériel, et le rouge la terre. Cette utilisation intuitive de la couleur fait appel à une connaissance commune, compréhensible de tous dans le monde occidental, qui renforce la portée de l'œuvre du peintre.
La montée du nazisme pousse finalement Mondrian à quitter l'Europe pour aller se réfugier à New York en 1940. C'est dans cette ville moderne que son art subit une ultime métamorphose. Les grandes avenues qui se coupent à angle droit, les taxis vus du haut des gratte-ciel et la musique jazz, le boogie-woogie, lui inspirent alors des toiles vibrantes de couleurs d'où le noir a complètement disparu [ image 4 ].

Isabelle Majorel

Permalien : https://panoramadelart.com/analyse/composition-en-rouge-jaune-et-bleu

Publié le 09/10/2014

Ressources

Broadway Boogie Woogie de Mondrian (1942-1943), conservé au Museum of Modern Art de New York

http://www.moma.org/collection/browse_results.php?criteria=O%3AAD%3AE%3A4057%7CA%3AAR%3AE%3A1&page_number=19&template_id=1&sort_order=1

Dossier pédagogique de l’exposition « Mondrian / De Stijl », présentée au Centre Pompidou du 1er décembre 2010 au 21 mars 2011

http://mediation.centrepompidou.fr/education/ressources/ENS-mondrian/ENS-mondrian.html

La Nature morte au pot de gingembre et aux aubergines de Cézanne (1893-1894), conservée au Metropolitan Museum de New York, qui inspire Mondrian

http://www.metmuseum.org/Collections/search-the-collections/435881?rpp=20&pg=1&ao=on&ft=cezanne&pos=19

La Nature morte au pot de gingembre II de Mondrian (1911-1912), conservée au musée Guggenheim de New York

http://www.guggenheim.org/new-york/collections/collection-online/artwork/3001

Sur l’Aubette, réouverte à l’occasion de l’exposition « Art is Arp », au musée d’Art moderne et contemporain de la Ville de Strasbourg, du 17 octobre 2008 au 15 février 2009

http://www.art-is-arp.com/fr/index.php?page=aubette

Une évolution du style de Mondrian au travers des œuvres conservées au Museum of Modern Art (MoMA) de New York

http://www.moma.org/collection/browse_results.php?criteria=O%3AAD%3AE%3A4057%7CA%3AAR%3AE%3A1&page_number=&template_id=6&sort_order=1

Glossaire

Cubisme : Courant artistique, né peu avant la guerre de 1914, dont les pionniers furent Pablo Picasso et Georges Braque. Il porte un nouveau regard sur l’objet, dont les volumes et les plans peuvent être représentés de manière stylisée et vus simultanément sous plusieurs angles. Il s’inspire à la fois des recherches formelles de Paul Cézanne et des arts premiers.

Symbolisme : Mouvement littéraire et artistique de la fin du XIXe siècle dont les adeptes préféraient l’évocation du monde de l’esprit à la description de la réalité.

Théosophie : Philosophie ésotérique dont les adeptes se regroupent en société à New York à la fin du XIXe siècle, avant d’essaimer en Europe. Elle repose sur une approche syncrétique des religions et sur une certaine fascination pour les croyances orientales telles que la réincarnation.

Art abstrait : Expression artistique, née au début du XXe siècle, qui ne met pas en jeu la représentation du réel. Kandinsky (1866-1944) est un artiste pionnier de cette nouvelle tendance en peinture. Plusieurs courants d’art abstrait se succèdent ou coexistent jusqu’à nos jours.

Composition : Manière de disposer des figures, des motifs ou des couleurs dans l’élaboration d’une œuvre.

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