La Vierge et l’Enfant en majesté entourés de six anges Cimabue

La Maestà

Auteur

Dimensions

H. 427 cm ; L. 280 cm

Provenance

Pise, église San Francesco

Technique

Peinture, Détrempe (tempera)

Matériaux

Fond d'or, Bois

Datation

Vers 1280

Lieu de conservation

France, Paris, musée du Louvre

Cimabue, entre Byzance et Renaissance ? Entre héritage et nouveau langage ?

Cimabue, peintre et fresquiste de grand talent, est généralement considéré comme le point de départ de l'école italienne de peinture. Il a commencé, le premier, à se détacher de la tradition byzantine qui avait influencé les artistes italiens avant lui, pour poser les jalons d'une nouvelle manière de peindre plus moderne. La Vierge et l'Enfant en majesté entourés de six anges [ image principale ] conservée au Louvre, l'une de ses œuvres les plus célèbres, témoigne de ces nouvelles aspirations et recherches picturales.

Qu'est-ce que la maestà ?

Au Moyen Âge, la dévotion à la Vierge ne cesse de croître dans le monde catholique. Marie devient ainsi le sujet le plus répandu de la peinture des XIIIe et XIVe siècles. La représentation que les Italiens appellent maestà (majesté) est l'une des plus solennelles. La Vierge et l'Enfant en majesté entourés de six anges appartient à cette catégorie. La Vierge y apparaît en tant que mère de Dieu, assise sur un trône qui semble porté par des anges, et présente sur ses genoux l'Enfant Jésus bénissant. Il s'agit d'un retable : il ornait au départ un autel dans l'église San Francesco à Pise. Son cadre est d'origine. Il comporte des médaillons où des anges et différents saints sont représentés et disposés suivant une hiérarchie céleste avec au sommet le Christ [ détail b ].

L'héritage byzantin

Par certains côtés, la Maestà du Louvre doit encore beaucoup à l'art byzantin [ image 3 ] : la forte symétrie régit la composition et accentue son hiératisme ; le fond d'or symbolise la lumière divine la forme des vêtements et des coiffures [ détail c ] appartient aux coutumes orientales ou encore la stylisation de certains détails anatomiques (le dessin du nez à l'arête très accusée, celui des mains aux longs doigts fins [ détail d ]. Mais ces éléments ne suffisent pas à dissimuler les nouveautés introduites par Cimabue dans la représentation des corps. Car l'artiste sait tirer profit de ses observations du monde réel et de la sculpture de son temps, fortement inspirée des modèles antiques, notamment celle de Nicola Pisano qui travaille au baptistère de Pise à partir de 1260.

« Le premier peintre qui regarde les choses de ses propres yeux »

Cimabue a cherché à transcrire sur la surface plane du tableau les volumes des corps et des objets. Les carnations sont modelées par la juxtaposition des lumières et des ombres subtilement modulées. La disposition du trône, en biais, permet de lui donner du relief, et de créer ainsi une impression de profondeur. Un certain réalisme apparaît dans le traitement des étoffes, plus particulièrement dans les plis qui mettent en évidence la structure des corps au lieu de la dissimuler (les genoux des anges [ détail e ], la poitrine et le ventre de la Vierge). Cimabue parvient en outre à insuffler à ses personnages une expression de profonde gravité, appropriée au futur destin tragique du Christ sur terre.

Un modèle pour les peintres suivants

Les historiens de l'art ont longtemps pensé que la Maestà du Louvre avait été peinte lors du séjour attesté de Cimabue à Pise entre 1301 et 1302. Les études récentes contestent cette datation tardive et préfèrent situer l'œuvre beaucoup plus tôt dans la carrière de l'artiste, vers 1280. Le tableau du Louvre a ainsi retrouvé dans l'histoire de l'art sa valeur de modèle. Cela permet en effet de le juger antérieur à une œuvre très proche, la Madone Rucellai [ image 1 ], peinte par le Siennois Duccio di Buoninsegna en 1285 (Florence, Galleria degli Uffizi). Si l'héritage byzantin n'a pas complètement disparu, un nouveau langage formel naît qui tend à traiter les sujets conventionnels dans un style plus humain et plus réaliste. Cimabue s'éloigne peu à peu des canons rigides de la tradition byzantine.

Dans ses œuvres, on peut voir en germe les prémices de la Renaissance italienne. Son travail sur la représentation de l'espace, du corps et la lumière sera ensuite perfectionné notamment par Giotto [ image 2 ], généralement considéré comme son disciple.

Glossaire

Retable : Œuvre peinte ou sculptée, placée sur l’autel d’une église.

Modelé : Manière de rendre le relief des formes, particulièrement celles du corps humain.

Byzance : Antique cité grecque de Byzantium, située sur l’embouchure du Bosphore, Byzance est rebaptisée Constantinople lorsque Constantin en fait la capitale de l’empire romain d’Orient en 324. Conquise par les Turcs au XVe siècle, elle devient capitale de l’Empire ottoman, puis de la Turquie moderne sous le nom d’Istanbul adopté à partir de 1930. Le nom antique de la cité subsiste dans l’adjectif « byzantin », qui qualifie la civilisation de l’empire chrétien d’Orient du Ve au XVe siècle.

Art gothique : Style qui se développe à partir du milieu du XIIe siècle jusqu’au début du XVIe siècle dans l’Occident chrétien.