Les Oiseaux Braque Georges

Les Oiseaux

Dimensions

L. : 346 cm ; L. : 505 cm

Provenance

Technique

Peinture

Matériaux

Huile sur toile

Datation

Vers le 15 juillet 1953

Lieu de conservation

France, Paris, musée du Louvre

Le moderne et l’ancien peuvent-ils s’accorder ?

Le peintre Georges Braque (1882-1963) figure parmi les représentants majeurs de l'art moderne en France. Engagé dans l'avant-garde d'abord fauve puis cubiste, l'artiste crée à partir de 1917 des tableaux d'une force énigmatique et silencieuse. Dès cette époque, il décline en série des thèmes comme la figure, la nature morte et l'atelier. En 1953, arrivé au sommet de sa carrière, l'artiste achève Les Oiseaux [ image principale ] pour un plafond du Louvre, œuvre commandée par André Malraux, alors ministre français des Affaires culturelles, écrivain reconnu et figure de la Résistance. Ce décor se compose de trois toiles destinées à être insérées dans les lambris dorés datant de la Renaissance [ détail b ]. Cette œuvre, conçue pour un lieu historique, peut surprendre car elle introduit de l'art contemporain dans une architecture ancienne. Si ce décor peint de Braque n'a rien de classique, il entretient néanmoins un vrai lien avec la mémoire du lieu.

Dans l'antichambre du roi Henri II

Avant de devenir un musée, le Louvre était un palais royal dont la construction s'est échelonnée sur plusieurs siècles. À la Renaissance, en 1546, le roi Henri II fait construire par l'architecte Pierre Lescot l'aile ouest de l'actuelle cour Carrée. Il y installe son appartement au premier étage, l'étage noble, auquel le visiteur accède par un escalier monumental qui porte son nom. Les Oiseaux de Braque prennent place dans le plafond de l'antichambre du roi en remplacement des toiles de Blondel [ image 1 ], datant de 1822 et déposées en 1938. Sculpté en 1557 par Scibec da Carpi, le décor en bois doré porte l'emblème d'Henri II : trois croissants de lune entrelacés ainsi que la devise en latin « Donec totum impleat orbem », littéralement « jusqu'à remplir le monde entier ». Celle-ci figure sur de nombreux objets et monuments [ image 2 ]. Braque s'inspire de cet héritage historique dans sa composition des Oiseaux en représentant un ciel nocturne où la lune rappelle Henri II.

Peindre l'espace et le mouvement

Dans le compartiment central apparaissent deux oiseaux noirs, sans détails, que Braque a entourés d'un épais trait blanc, sur un fond bleu de nuit. L'artiste a renforcé la planéité du plafond en peignant de larges aplats de couleurs sombres, qui contrastent fortement avec les reliefs du décor sculpté et affirment clairement l'aspect pictural de l'œuvre. Le motif de l'oiseau apparaît dès 1929 dans l'œuvre de Georges Braque et reste important jusqu'à sa mort en 1963. Les oiseaux planant ici au plafond renforcent la vision d'une ouverture sur le ciel, à la manière des trompe-l'œil imaginés par les grands artistes de la Renaissance comme Mantegna dans l'oculus de la chambre des Époux [ image 4 ]. Mais les grands volatiles de Braque ont tous quelque chose de fantomatique, et leur signification ne se laisse pas facilement deviner. « J'ai été hanté par l'espace et le mouvement », confie le peintre. Les ailes déployées dans un ciel infini donnent une sensation de liberté et de légèreté. Présent dans de nombreux tableaux de Braque, l'oiseau devient une signature et représente selon ses mots la « métaphore de la palette aux ailes inspirées ». À la même époque, d'autres artistes peignent des oiseaux et mettent en avant plus clairement leur valeur symbolique, que ce soit la paix dans la Colombe de Pablo Picasso ou la liberté de l'artiste dans « Loplop », un oiseau imaginaire dont Max Ernst fait son alter ego [ image 5 ].

Un écho aux collections du musée

Dans les trois panneaux, les oiseaux présentent des formes schématiques. Le peintre s'est inspiré des poteries étrusques exposées dans cette salle au moment de la conception de son œuvre. Cette influence apparaît évidente, lorsque l'on regarde les céramiques décorées d'oiseaux stylisés comme sur cet aryballe [ image 3 ]. L'attrait de Georges Braque pour l'art archaïque s'inscrit dans un intérêt plus large pour les arts dits primitifs, caractérisés par une même simplification des formes.

Comme des papiers collés

En outre, les oiseaux du Louvre semblent faits de morceaux de papier découpés, voire déchirés. Avec eux, Braque fait une sorte de retour aux expériences de ses années cubistes. En effet, en 1912, il découpait des papiers et les collait sur la toile pour insérer dans son œuvre de vrais morceaux de réalité. Puis, comme Picasso son partenaire dans cette aventure, il s'était mis à représenter ces papiers collés dans sa peinture.

Les grands plafonds peints pour le musée du Louvre

Même après la transformation du palais du Louvre en musée en 1793, l'État n'a cessé d'enrichir son décor. Les Oiseaux de Braque s'inscrivent dans une série de prestigieuses commandes de plafond qui remonte au XIXe siècle. En 1850, Eugène Delacroix est chargé d'achever le décor du plafond de la galerie d'Apollon commencé sous Louis XIV. L'entreprise se poursuit encore aujourd'hui puisque, depuis 2010, dans la salle voisine des Oiseaux de Braque, les visiteurs peuvent admirer The Ceiling (« le plafond »), peint par l'artiste américain Cy Twombly. Sa composition dialogue avec l'œuvre de Braque et la prolonge. Son ciel est d'un bleu plus clair, ponctué de légères formes colorées circulaires et d'inscriptions en grec qui donnent les noms d'artistes de l'Antiquité grecque classique.

Isabelle Majorel

Permalien : https://panoramadelart.com/analyse/les-oiseaux

Publié le 28/10/2013

Ressources

Fiche pédagogique « L’architecture à la Renaissance », mise à la disposition des collèges et des lycées par le château d’Écouen, musée national de la Renaissance

https://musee-renaissance.fr/sites/musee-renaissance.fr/files/dossier_pedagogique_architecture.pdf

Le dossier pédagogique de l'exposition « Georges Braque »

http://www.grandpalais.fr/pdf/dossier_pedagogique/Dossier_pedago_BRAQUE.pdf

Sur l’exposition « Georges Braque » au Grand Palais (18 septembre 2013 – 6 janvier 2014)

http://www.grandpalais.fr/fr/evenement/georges-braque

Sur l’histoire du Louvre, du château au musée

http://www.louvre.fr/histoire-du-louvre

Glossaire

Lambris : Revêtement mural formé de cadres et de panneaux (en bois, en stuc, en marbre).

Cubisme : Courant artistique, né peu avant la guerre de 1914, dont les pionniers furent Pablo Picasso et Georges Braque. Il porte un nouveau regard sur l’objet, dont les volumes et les plans peuvent être représentés de manière stylisée et vus simultanément sous plusieurs angles. Il s’inspire à la fois des recherches formelles de Paul Cézanne et des arts premiers.

Aryballe : Dans l’Antiquité, petit vase destiné aux huiles parfumées pour le corps.

Oculus : En architecture, ouverture circulaire.

Nature morte : Représentation d’objets, de végétaux, de nourriture ou d’animaux sans vie.